Former n’est donc pas informer, et inversement. Quand on parle d’apprentissage, le mot de transmission apparaît, en lien avec une notion de passage de relais. Dans un cas, la liberté de l’apprenant est restreinte ; dans un autre, il s’agit au contraire d’affermir son autonomie, d’aller d’un point A à un point B. Pourquoi, dès lors, une telle confusion dans certaines pratiques de formation ?

J’informe, donc je forme… De nombreux dispositifs de formation cèdent à cette porosité entre deux champs qui sont pourtant très différents. Quelles sont les différences et Comment expliquer la confusion qui peut exister entre information et formation ?

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Informer et Former : deux dynamiques et processus différents

Pour bien faire la différence entre information et formation, il est nécessaire de revenir aux définitions de l’une comme de l’autre.

Informer, c’est transmettre des éléments vers autrui. L’information s’inscrit dans un processus unilatéral de transmission dont l’intention est strictement balisée. Avec l’information le chemin est tracé et la personne qui se trouve concernée n’a plus qu’à se conformer à ce qui est lui indiqué (dans un cours ou une formation). Tout est centré sur le résultat. Nous sommes ici loin de l’apprentissage…

Comme l’indique le psychologue Carl R. Rodgers dans son ouvrage Liberté pour apprendre (Dunod, 2013), le « concept de contenu du cours est fondé sur la croyance que ce qui est enseigné est appris, que ce qui est explosé est assimilé, ce qui est un préjugé totalement faux. L’apprentissage, c’est permettre à chacun de trouver des réponses constructives, provisoires, mouvantes et dynamiques qui lui permettent d’agir, de transformer. »

Former donc, c’est avant tout mettre en œuvre les conditions qui vont permettre à un apprenant d’être l’acteur conscient de sa propre transformation (Apprendre : seule la formation permet de dérouler ce processus). Découverte, expérimentation, analyse, auto-questionnements, tâtonnements et erreurs…

Apprendre, c’est vivre par soi-même des expériences et effectuer un cheminement qui est d’abord intérieur. Une dynamique que le professeur en sciences de l’éducation Philippe Carré nomme « apprenance », et qu’il explicite dans son livre récent intitulé L’apprenance, un nouveau rapport au savoir (Dunod, 2020).

En sommes, Former, c’est permettre à un apprenant d’aller d’un point A à un point B ; l’emmener vers un nouvel apprentissage. Alors que s’informer, c’est transmettre des éléments vers autrui et se conformer à ce qui a été transmis.

Confusion autour des ressorts de la transmission

Former n’est donc pas informer, et inversement : « Quand on parle d’apprentissage, le mot de transmission apparaît, en lien avec une notion de passage de relais ; celui-ci est très présent dans notre inconscient collectif », explique Samuëlle Dilé, experte en pédagogie multimodale et en sciences cognitives. « D’ailleurs, il faut remarquer que dans certains pays (Etats-Unis, Canada, Islande, Norvège…) le verbe ‘former’ a été laissé de côté au profit du mot ‘apprendre’ ».

Dimension motivationnelle

Dimension motivationnelle et principe d’autodétermination

En ce début de XXIe siècle, tout change. De nouveaux processus sont à l’œuvre, à l’image de la dimension motivationnelle et du principe de l’autodétermination. Du côté des apprenants, il est devenu impératif que ce qui doit être appris réponde à un sens bien précis. « Les individus cherchent désormais non seulement à atteindre des objectifs (‘je dois être capable de’) mais également à se projeter en termes de transformation (‘je veux devenir cela, ou comme ça’) », rappelle Samuëlle Dilé. Pour ce faire, la pédagogie mobilisée se doit de respecter au moins deux éléments.

D’une part, il s’agit de donner de la visibilité sur les objectifs, les étapes, les attendus, les moyens matériels et humains, dans un cadre donné (consignes).

D’autre part, il est central de proposer des activités qui permettront d’activer le processus cognitif itératif : confrontation avec les connaissances précédentes, évolution des représentations, lutte contre les biais… Les techniques pédagogiques concernées sont plurielles : classe inversée, exercices de résolution de problèmes, synthèse ou compilation de connaissances.

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L’apprentissage

L’apprentissage, processus riche en leviers

Afin d’amener l’apprenant d’un point A à un point B, il s’agit de lui proposer des activités qui favorisent l’expérimentation multisensorielle et émotionnelle à travers des ateliers d’expérimentation ou de simulation, des jeux, des débats d’idées, des œuvres collectives. Il s’agit de mettre en œuvre et de faire vivre un cadre sécurisant afin que cet apprenant ose l’inconnu, le tâtonnement, l’erreur, voire l’échec… L’objectif est de proposer des activités qui vont permettre l’encodage mnésique, c’est-à-dire le premier processus qui intervient lors de la mémorisation d’un stimuli et qui consiste à traiter l’information perçue par les sens (plus celui-ci est approfondi, plus les processus de stockage seront complets). Il convient de favoriser l’appropriation progressive (gammes d’entraînements à plusieurs niveaux, activités de réassemblage, de reconstruction…), mais aussi de créer des espaces de verbalisation du raisonnement, de stratégie, de partage, d’étonnement. Il est question de mettre en place un système d’évaluation centré sur le chemin parcouru, de pratiquer l’art du feedback avec une intention constructive, nourrissante pour le circuit neuronal de la récompense, de favoriser la stratégie d’apprentissage libre… Autant d’exemples qui nous montrent combien l’action de formation est désormais très éloignée de celle de l’information.

En conclusion, Former, c’est engager l’apprenant dans une démarche volontaire,, un chemin de découvertes et d’expérimentations plurielles dans le cadre d’un processus itératif. C’est penser en termes de rythme, de paliers, de réflexivité, de projectivité et de liberté – cette même liberté qui fait défaut au processus d’information. C’est surtout, pour les formateurs que nous sommes, centrer la pédagogie sur le comment et le pour quoi, plutôt que sur le quoi ou uniquement sur le résultat.